Nick Wheeldon

Avant Première + Chronique de Make Art sûr Mowno

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Dans notre quatrième revue, Nick Wheeldon déclarait : ‘Il y a plein de façons différentes de faire un bon album, mais le faire dans les conditions du live sera dorénavant ma seule option‘. Promesse tenue avec ce nouvel opus, le quatrième sous son nom en trois ans, et peut-être le plus beau d’entre tous.

De rencontre en rencontre, le français d’adoption – depuis une douzaine d’années maintenant – s’est constitué une solide bande de musiciens qu’il mobilise au gré de ses multiples projets, ici réunis sous la bannière ‘and friends’. Loin des albums de featurings ostentatoires qui font encore fantasmer certains artistes, le songwriter originaire de Sheffield trouve dans cette nouvelle formule l’occasion d’enrichir encore davantage son spectre sonore et la largeur de ses ambitions. Égal à lui-même, entouré de dix collaborateurs et collaboratrices, Nick Wheeldon nous emporte avec cette collection de sublimes morceaux qui fait suite à son Waiting For The Piano To Fall paru en février dernier. Prolifique, celui qui n’a jamais sacrifié la qualité à la quantité émerveille en tout point.

La nature et ses éléments, ses forces et ses ressources, se retrouvent dans les textes comme dans l’atmosphère du disque. Paisible même dans ses moments sous tension, lumineux dans sa relative noirceur, rien n’est feint ou de trop dans cet album bouleversant. Prenant le temps de développer une vision pragmatique (‘There’s no god, n’or master to keep us from disaster‘) mais néanmoins optimiste (‘It’s down to you kid, from your ashes flowers grow‘ dans le même No God, No Master) sur les temps qui courent et les relations humaines, Nick Wheeldon revient aux origines du folk – celui de Woody Guthrie ou de Pete Seeger – pour mieux les dépasser. En tendant vers l’aspect pop façon The Coral tout en assumant un certain dénuement menant à une révélation de ses failles et de ses fragilités, il tend une main vers l’avenir, vers ces fleurs qui poussent dans des endroits parfois austères (Empty Room) ou directement vers ses enfants, espoirs d’un futur radieux si le monde des adultes ne les a pas étouffés d’ici là. ‘Tied the laces of a thousand babes until they learned to run away‘ chante-t-il dans The Fall Of The Grand Monument, avant de poursuivre dans The Naked Death : ‘By the child that was hung before he learned to say yes‘. ‘Our love is a ghost ship and we’re destined to sink‘ (I Though Of You Afar), mais le navire est encore à flot, prêt à affronter le déluge. Celui promis par mère nature, mais aussi celui de son propre chaos intérieur. Ainsi la quête existentielle de Glue nous colle instantanément à la peau – et aux oreilles – pour ne plus nous lâcher. Il faut entendre ce chant à la fois désespéré et chargé d’espoir, ce saxophone qui pleure et rit avec lui, ce piano qui s’interroge et cette guitare qui, elle, n’hésite plus. Elle avance, contre vents et marées, coûte que coûte, pour faire de la moindre émotion un geste musical marquant.

C’est la force même de ce disque : rendre évidentes des mélodies qui, par delà les intentions de jeu, nous touchent droit au cœur, sans détour. Skimming Stones (‘We ran away from all our fears, and now they’re gone‘) pourrait être une chanson de Radiohead, tout comme The Idealiste (‘Here comes the realist but i don’t want to hear it‘) pourrait en être une de Neutral Milk Hotel. Mais elles sont pourtant bien de Nick Wheeldon, et cela s’entend. Car il y a, face à la réalité, deux choix possibles : l’affronter ou la fuir. Et c’est dans cette ambivalence que s’inscrivent les morceaux de ce disque poignant, à la fois brut et sans concession. De quoi nous livrer la plus merveilleuse des œuvres d’art, celle qui s’inscrit instantanément en nous et ne nous quittera plus jamais.