Nick Wheeldon

Magic, Make Art Review

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NICK WHEELDON AND FRIENDS
Make Art
(LE POP CLUB RECORDS) – 22/11/2024

Un premier album paru en 2021 (Communication Problems), un deuxième en 2022 (Gift), un troisième en février de cette année 2024 (Waiting for the Piano to Fall) et voici le quatrième album de Nick Wheeldon, son plus beau, Make Art. Seize titres le composent, puisés au cœur du foyer et nourris au feu de son inspiration vive, qui semble ne jamais devoir vaciller. L’urgence, chez l’Anglais, originaire de Sheffield et installé en France depuis douze ans maintenant, n’a rien à voir avec la vitesse. Elle est un manifeste, la marque déposée de son artisanat musical. Ses chansons prennent réellement vie sitôt qu’il les frotte aux univers de musiciens rencontrés sur le chemin. L’altérité est ce qui leur offre leur étrangeté en même temps que décèle, pour la révéler, leur part de vérité profonde. Waiting for the Piano to Fall était cosigné avec les Living Paintings, groupe réuni pour l’occasion la veille de l’enregistrement. Make Art est signé Nick Wheeldon & Friends.

Le premier de ces amis est Julien Ledru, guitariste acoustique, spécialiste du fingerpicking, auteur de remarquables albums instrumentaux sous son nom. En le dialogue noué entre Julien et Nick réside le ferment des chansons, la matrice mélodique et rythmique du disque, d’une richesse infrangible. Charge aux autres amis d’imaginer, dans l’éclair d’instants choisis, les arrangements qui transfigureront cette poignée de grandes chansons, emmèneront leur folk sur des terres inattendues – la mystique free jazz soufflée par le saxophone de Laurent Rigaut (Glue), les grands vents d’orient frémissants du violon de Thomas Carpentier (No God, No Master), ou encore un irrésistible piano bastringue western et sans âge (interprété par Seb Adam – Shot of Turpentine) et des chœurs célestes (Naked in Death). Il s’exhale, tout le long de ce double album, des fragrances psychédéliques, affleurent une ferveur presque spirituelle, une foi profonde en les pouvoirs de la musique.

On pense parfois au Dylan de Self Portrait (1970) : le plaisir simple de jouer y déborde et, de celui-ci, découle le geste imperceptible d’un retour aux sources mêmes de la musique. Échevelées, fiévreuses, courtes quand tout semble dit, plus longues quand est goûtée l’ivresse des notes, les chansons de Make Art sont interprétées par un Nick Wheeldon au chant plus impressionnant que jamais. Davantage qu’auparavant, celui-ci mute, s’offrant d’attachantes métamorphoses – autre fil tiré depuis Self Portrait. On entend, comme d’usage avec l’Anglais, une certaine exaspération héritée du punk, des aigus éraillés, mais le spectre s’ouvre régulièrement à la tendresse, au murmure. La tempête et le repli, le sel et le baume – c’est une grande voix qui s’affirme ici.
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5/6

Par Pierre Lemarchand