Shebam Blog Pop Wizz - Waiting For The Piano To Fall, Review
On attendait que la nouvelle tombe, un album. Mieux, c’est un piano qui nous tombe dessus, du moins entre nos mains religieusement tendues comme au moment tant attendu de la communion. Redisons-le pour les distraits. La musique de Nick Wheeldon n’est pas qu’une simple exploration du passé, sans cesse renouvelée, sans cesse gravée. Nick ne s’amuse pas à être Dylan. Nick s’attache aux états d’âme, aux passions qui nouent les gorges comme des serviettes pour en essorer quelques larmes. Et sans les chevrotements vocaux de Zimmerman. They're not selling flowers around here anymore pourrait sonner comme un avertissement. Ils ne vendent plus de fleurs ici, fichtre ! Ce bouquet de chansons séchées nous est tout de même proposé, un peu à la sauvette, c’est (l’art) et la manière de Nick Wheeldon, cet artiste qui ne s’arrête pas d’écrire et d’enregistrer de peur de tomber à son tour, de perdre son mojo, sa vista. Qu’il soit seul ou accompagné d’un groupe comme ici, toujours nous retrouvons ce bon vieux Nick ami réel (et fidèle) mais à l’imaginaire si précieux. C’est bien peu de le dire.
Car sous le noir de la pochette rehaussée d’or, on trouve les clairs-obscurs de Terrence Malick, comme si ce Waiting for the piano to fall se voulait la suite plus tempétueuse des Moissons du ciel. Ce sont les mêmes couleurs que dans le film, cette même impression d’exhumer toute une époque révolue, pensez donc l’année 1916, mais qui avait le bon goût et la force de se situer à la toute fin de la conquête de l’Ouest et au début de l’ère moderne. On pense la même chose de la musique de Nick, pétrie de tradition mais dont le texte se déroule sous nos yeux dans ses beaux habits universels. Il y est question d’amour, de mort, d’espoir, lequel n’avance jamais sans son petit copain, son ombre, le désespoir. Mais Nick Wheeldon se sert du médium de la chanson pour aborder des sujets plus sérieux. La gentrification, la guerre, le combats pour les droits des Afro-Américains dans les sixties ou la fin du monde. Le climat de cet album est-il peu engageant ? La réponse est non, car pour raconter tout cela, accompagné de son groupe Les Peintures Vivantes, Wheeldon opte pour une palette plus riche et ses chansons de se parer de nombreux arrangements sans rien perdre de leur vitalité, qui a toujours été la marque de fabrique du singer-songwriter. On évoquait les images à la fois douces et tempêtueuses, figées et en mouvement des Moissons du ciel mais on pourrait tout aussi bien convoquer celles du très beau documentaire, Country Music, une histoire populaire des États-Unis.
Oublions les sujets de ces chansons, ce que les autres critiques en diront – et ils n’auront pas tort –, fermons les yeux et laissons-nous porter par les rythmes chaloupés de Routine prisoner, comme un bateau-vapeur sur le Mississipi. Nick Wheeldon appartient donc à la tradition des musiciens, poètes et dramaturges, les Homère, les Euripide des temps modernes. On est frappé par le sens de l’épique dans des titres comme Oh! Surprise ou Black Madonna. Et ce qui fascine davantage, c’est la diversité qui crée la surprise et fait que, d’une chanson à l’autre, jamais on ne s’ennuie comme sur l’ascendant As you stood before the mountain. Tout comme Weeping willow qui a le bon goût de proposer un saxophone en sourdine, comme dans un vieux jazz des années 50 ce qui donne à cette pure ballade folk une tonalité autre. Et Waiting for the piano to fall qui s’ébroue dans un psychédélisme nord-californien, comme pris dans un brouillard urbain. Là encore, Nick Wheeldon se tient là où on l’attend le moins.
Quand le disque débute sur l’oraison quasi funèbre et décharnée de Stamping on the daffodils, il se surprend à nous quitter sur un No spider impérial, gonflé à bloc par les vents de l’espoir et du renouveau, comme un franc soleil surgissant des nuages lourds après la pluie. Nick Wheeldon est ainsi, tout en demi-teintes, en nuances d’or et de gris, tirant parfois vers le noir comme sur sa pochette aux confins de l’abstraction. Sans doute en est-il, une abstraction, un mystère, un secret bien gardé cela va sans dire. Et comme tous ses disques avant et après, une peinture, une figure hâtive.